L'obligation de dénonciation des infractions routières des salariés envisagée par l'article 121-6 du code de la route -  Article du cabinet DELRAN

L'obligation de dénonciation des infractions routières des salariés envisagée par l'article 121-6 du code de la route - Article du cabinet DELRAN

Publié le : 24/11/2016 24 novembre nov. 11 2016

En cas d'infraction commise par avec un véhicule de société notamment constatée par un radar automatisé, il est très difficile de poursuivre l'auteur faute de connaître son identité, de faire payer l'amende et de retirer les points sur son permis.

Le Législateur a mis en place un dispositif coercitif imposant au représentant légal de cette personne morale titulaire du certificat d'immatriculation de payer au lieu et place du contrevenant.

C'est donc clairement le chef d'entreprise, es qualité, qui est visé.

Ce système montre ses limites au regard du permis à points, puisque faute de connaitre l'identité du conducteur, ce dernier ne se voit retirer aucun point.

L'objectif de la réforme est de "contraindre à la dénonciation" le représentant légal de cette personne morale titulaire du certificat d'immatriculation qui recevrait une contravention commise avec un véhicule de la société.

Mais le nouveau dispositif est il vraiment adapté ?


Le 24 mai 2016, l'assemblée a donc adopté, notamment, un article 15A dans la Loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, une nouvelle sanction pénale à l'encontre des chefs d'entreprise.

Théoriquement applicable au 1er janvier 2017, la mesure n'est pas encore définitive.

En effet, le 17 octobre 2016, 60 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel afin de contrôler la constitutionnalité de la loi, en ce compris l'article 15 A précité.


Aujourd'hui le chef d'entreprise peut :

1 - Soit dénoncer le conducteur, et ne pas payer les amendes et contraventions

2 - Soit se taire et payer (au risque de se voir retirer les points personnellement puisque le paiement vaut reconnaissance de l'infraction)

3 - Soit présenter une requête en exonération, et c'est l'exception du dispositif.

Ce chef d'entreprise peut s'exonérer de TOUT s'il établi "l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction".

Faute de pouvoir identifier le véritable conducteur, le dirigeant représentant la société, se trouvait alors souvent convoqué devant le tribunal de police et condamné en tant que redevable de l'amende pécuniaire.

Aujourd'hui le constat est simple : dans 2 cas sur 3, ce sont des centaines de conducteurs dont les points ne sont pas retirés malgré la commission d'infractions pénales.

Demain que se passera t-il ?

Le nouvel article L 121-6 du code de la route dispose
"Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 [Ndr: appareils de contrôle automatique et probablement extension par décret] a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
"Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe"[1]


Lorsque le chef d'entreprise refusera de dénoncer le conducteur, généralement son salarié, il sera alors potentiellement coupable de non-dénonciation de contravention et redevable d'une amende de 4ème classe.

Cette amende pour non dénonciation s'ajoutera à la précédente et permettra donc de poursuivre systématiquement les dirigeants, es qualité, qui ne dénonceraient pas le conducteur.

Pour s'exonérer de toutes condamnations le chef d'entreprise visé aura fort à faire :

Les 2 articles précités se cumulent.

Le chef d'entreprise devrait :

a). Dans un premier temps, démontrer ne pas être redevable de l'amende pécuniaire au visa de l'article 121-3. Application du régime actuel

Pour ce faire, il peut établir "l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure" ou apporter "tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction".

b). Ensuite, il devrait établir, pour ne pas dénoncer l'auteur de l'infraction, (s'il n'y a ni vol, ni usurpation de plaque d'immatriculation qui l'aurait déjà exonéré de la première infraction) qu'il n'est pas en mesure pour un cas de force majeure de donner l'identité du conducteur !

La force majeure est définie par l'article 122-2 du Code pénal :

Le chef d'entreprise devra faire preuve d'une grande imagination pour justifier d'un cas de force majeure exonératoire.

S'il échoue dans cette 2ème démonstration, gageons qu'il sera condamné pour le tout, même s'il démontre ne pas être personnellement l'auteur de l'infraction.

Il ne s'agit que d'une amende de 4ème classe qui n'est pas inscrite sur le casier judiciaire, néanmoins, les "patrons" doivent s'attendre à de nouvelles convocations devant le tribunal de police et à s'expliquer sur la volonté (ou non) de ne pas dénoncer le contrevenant.

Ces dispositions vont probablement instaurer un climat délétère en entreprise et au sein des institutions :

-    Les Ultra-sécuritaires crieront au scandale lorsque le dirigeant ne dénoncera pas.

-    Les partisans des libertés fondamentales et opposés à toutes formes de dénonciation s'opposeront au juge en acceptant l'augure d'une éventuelle condamnation pénale propre.

En réalité, le nouveau procédé n'autorise pas plus le retrait de points que l'ancien !

Certes, En l'absence de dénonciation, le coût pour l'entreprise sera potentiellement important, mais le coût global sera-t-il suffisant pour inciter les dirigeants à dénoncer leurs salariés ?

L'avenir semble plus sombre encore pour les chefs d'entreprise car l'inquiétude est une pénalisation encore plus ferme des infractions au code de la route.

La liste des infractions donnant lieu à retrait de points pourrait être étendue à la nouvelle infraction créée par l'article 121-6 du code de la route, sans passer par une nouvelle loi.

Il suffit d'un décret en conseil d'état.

Le dispositif serait alors extrêmement sévère pour les chefs d'entreprise mais imparable pour la sécurité routière.

Le titulaire, même non personnellement responsable, se verrait infliger une sanction pénale lourde mais incitative à la délation.

Faut-il en arriver à cette situation extrême ?

Toutes solutions accroissant la sécurité routière semblent louables, mais ne serait-il pas plus efficace de redonner la priorité aux forces de l'ordre sur le terrain, plutôt qu'à des automates ?

Camille DELRAN
SCP DELRAN - SERGENT
6 Rue St THomas
BP 91
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