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La publicité des avocats - Enfin une évolution majeure pour les avocats!
Auteur : DELRAN Camille
Publié le :
05/03/2015
05
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03
2015
Par décret du 28 octobre 2014 n° 2014-1251 sur le mode de communication des avocats, les avocats sont autorisés à réaliser des opérations publicitaires.Il s'agit d'une révolution dans la profession, qui a, pendant de nombreuses années, été interdite de toute action à destination du public tendant à promouvoir les services qu'il pouvait accorder à ses clients.
En effet, à l'exception d'un papier à entête et d'une plaque professionnelle, dont la taille était souvent règlementée, aucune autre forme de publicité n'était autorisée.
Il est proposé de faire une analyse des textes avec leur évolution afin de comprendre quelles sont les actions publicitaires aujourd'hui autorisées et quelles en sont les limites.
La règlementation initiale :
Le décret n° 72-785 du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation, de rédaction d'actes juridiques, disposait :
Article 1er :
"Constitue un acte de démarchage au sens de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public."
Article 2 :
"La publicité en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ne peut être faite par voie de tracts, Lettres, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées."
Article 3 bis
L'avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions.
Ce texte a été en vigueur jusqu'en 2005.
Par un nouveau décret du 12 juillet 2005 n° 2005-790 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, il a été supprimé le mot "lettres" (à l'art. 2) autorisant ainsi la publicité en vue de donner des consultations, de rédiger des actes, ou de proposer son assistance en matière juridique par voie de lettre.
Les autres modes de communication eux en revanche, étaient toujours interdits (tract, affiche, film cinématographique, émission radiophonique ou télévisée).
Par ailleurs l'art; 15 dudit décret modifiait la publicité estimant "qu'elle pouvait être permise à l'avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession".
La publicité inclut la diffusion d'informations sur la nature des prestations et des services proposés dès lors qu'elle est exclusive de toute forme de démarchage ;
"Toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l'avocat".
Il s'agissait du texte en vigueur jusqu'au décret du 28 Octobre 2014.
L'intégralité des textes règlementaires précités étaient repris dans l'art. 10.2 du R.I.N.
INTERDICTIONS
"Tout acte de démarchage tel que défini à l'article 1er du décret de 1972 est interdit à l'avocat en quelque domaine que ce soit
Toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel est interdite à l'avocat
La publicité personnelle ne peut être faite par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées"
I- EVOLUTION
C'est à compter d'un arrêt du 13 décembre 2013 que le Conseil d'Etat a considéré que l'interdiction de la publicité ne pouvait s'appliquer aux avocats.
Tenant compte de cette décision, la Loi du 17 mars 2014 a modifié l'art. 3 BIS de la loi de 1971 en ajoutant l'alinéa suivant :
"Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu'à la sollicitation personnalisée".
La brèche était donc ouverte.... Il ne restait plus qu'à concrétiser cette situation et c'est la Cour de Justice Européenne par un arrêt du 05 avril 2014 (relatif aux experts comptables) qui va sonner le glas de l'interdiction de la publicité.
En effet, la CJCES signe "L’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d’une profession réglementée, telle que la profession d’expert comptable, d’effectuer des actes de démarchage."
En d'autres termes, même la Communauté Européenne avait conscience que la publicité ne pouvait pas être interdite aux professions règlementées.
L'évolution logique se solde par le décret du 28 Octobre 2014 n° 2014-1251 dans lequel il est clairement exposé :
"La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant.
La publicité s'opère dans les conditions prévues par le décret du 25 août 1972 susvisé.
La sollicitation personnalisée prend la forme d'un envoi postal ou d'un courrier électronique adressé au destinataire de l'offre de service, à l'exclusion de tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile. Elle précise les modalités de détermination du coût de la prestation, laquelle fera l'objet d'une convention d'honoraires. »
Ce décret pose les jalons d'une publicité et d'une sollicitation personnalisée, à peine encadrée par les règles déontologiques de l'avocat.
Le CNB en tenant compte de ce décret a immédiatement modifié l'article 10 du R.I.N.
En réalité, la décision à caractère normatif n° 2014-001 est du 10 et 11 octobre 2014 ; elle est donc antérieure de quelques jours au décret du 28 octobre 2014....... et il y est exposé :
"10.1 Définition
La publicité fonctionnelle est destinée à faire connaître la profession d'avocat et son organisation. Elle relève de la compétence des institutions représentatives de la profession.
La communication de l'avocat s'entend de sa publicité personnelle et de son information professionnelle.
La publicité personnelle s'entend de toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l'avocat.
La sollicitation personnalisée, qui est un mode de publicité personnelle, s'entend de toute forme de communication directe ou indirecte, dépassant la simple information, destinée à promouvoir les services d'un avocat à l'attention d'une personne physique ou morale déterminée.
L'information professionnelle s'entend des plaques, des cartes de visite et de tout document destiné à la correspondance.
Dans les articles ci-après le terme publicité s'entend de la publicité personnelle.
10.2 Dispositions communes à toute communication
L'avocat doit, dans toute communication, veiller au respect des principes essentiels de la profession.
La publicité personnelle, dont la sollicitation personnalisée, et l'information professionnelle de l'avocat doivent faire état de sa qualité et permettre, quel qu'en soit le support, de l'identifier, de le localiser, de le joindre, de connaître le barreau auquel il est inscrit, la structure d'exercice à laquelle il appartient et, le cas échéant, le réseau dont il est membre.
Sont prohibées :
- toute publicité mensongère ou trompeuse ;
- toute mention comparative ou dénigrante ;
- toute mention susceptible de créer dans l'esprit du public l'apparence d'une structure d'exercice inexistante et/ou d'une qualification professionnelle non reconnue ;
- toute référence à des fonctions ou activités sans lien avec l'exercice de la profession d'avocat ainsi que toute référence à des fonctions juridictionnelles.
La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession.
La sollicitation personnalisée prend la forme d'un message exclusif de toute démarche physique ou téléphonique. Sont exclus les messages textuels envoyés sur un terminal téléphonique mobile.
Il est interdit à l'avocat d'utiliser les services d'un tiers dans le but de contourner ces interdictions.
La sollicitation personnalisée précise les modalités de détermination du coût de la prestation laquelle fera l'objet d'une convention d'honoraires.
Toute publicité doit être communiquée sans délai au conseil de l'Ordre."
Cette décision a été notifiée au Conseil de l'Ordre de chacun des Barreaux ainsi qu'à Mme le Garde des Sceaux afin d'en assurer la publication au J.O. de la République Française.
La publicité était donc autorisée aux avocats.
Il convient de distinguer néanmoins, la publicité à proprement parler de la sollicitation personnalisée.
Tout ce qui concerne la publicité fonctionnelle, réservée aux ordres et l'information personnelle ne sera pas traitée ici, dans la mesure où,
- soit elle ne concerne pas la profession,
- soit elle n'a pas évolué depuis des années.
Seules intéressent les actions publicitaires où la sollicitation personnalisée existe.
A- Ce qui est autorisé :
1- Concernant la publicité personnelle :
La publicité personnelle s'entend de toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l'avocat.
La publicité personnelle doit faire état de la qualité de l'avocat et doit permettre, quel qu'en soit le support, de l'identifier, de le localiser, de le joindre, de connaitre le barreau auquel l'avocat est inscrit, la structure d'exercice à laquelle il appartient, et, le cas échéant, le réseau dont il est membre...
La publicité est donc permise à l'avocat si elle procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposés et si leur mise en œuvre respecte le principe essentiel de la profession.
Toute publicité doit être communiquée sans délai au Conseil de l'Ordre.
2- Concernant la sollicitation personnalisée :
La sollicitation personnalisée est une communication directe ou indirecte dépassant la simple information destinée à promouvoir les services d'un avocat, à l'attention d'une personne physique ou morale déterminée.
Cette sollicitation personnalisée doit procurer une information sincère sur la nature des prestations de services proposés, sur leur mise en œuvre, et doit respecter les principes essentiels de la profession.
La sollicitation personnalisée prend la forme d'un message exclusif de toute démarche physique ou téléphonique.
Il est aussi interdit à l'avocat d'utiliser les services d'un tiers dans le but de contourner ces interdictions.
3- Différence de "texte" entre publicité et sollicitation personnalisée
- La sollicitation personnalisée précise les modalités de détermination du coût de la prestation laquelle fera l'objet d'une convention d'honoraires.
-elle est envoyée à une personne déterminée.
B- Ce qui est interdit :
- toute publicité mensongère ou trompeuse
- toute mention comparative ou dénigrante,
- toute mention susceptible de créer dans le public, l'apparence d'une structure d'exercice inexistante, ou d'une qualification professionnelle non reconnue.
- toute référence à des fonctions ou activités sans lien avec l'exercice de la profession d'avocat ainsi que toute référence à des fonctions juridictionnelles.
- le déméchage physique ou téléphonique.
- d'utiliser les services d'un tiers dans le but de contourner ces interdictions du message téléphonique démarchage physique.
- il est exclu l'envoi de messages, SMS,
- il est exclu de communiquer sans en informer le Bâtonnier,
- il convient de respecter les règles déontologiques de la profession.
Il convient de noter que la notion de "discrétion" ne faisant pas partie des principes essentiels de la profession, il n'y aurait pas lieu de la respecter.
Il y a un simple devoir de modération, mais, en matière de publicité, la modération est-elle dans le support ou dans le message ? (A mon sens, dans le message)...
II- MISE EN PRATIQUE
Imaginons donc plusieurs supports envisageables pour chacun des cas :
1- Panneau publicitaire :
A l'évidence, un panneau publicitaire qui contiendrait les mentions essentielles ne conviendrait pas aux règles déontologiques et doit pouvoir être envisagé dès lors qu'il constitue un moyen de communication autorisé (art. 10.1 "la publicité personnelle s'entend de toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l'avocat")
Le terme "affiche" a par ailleurs été supprimé par l'arrêt du conseil d'état et le décret du 28 octobre 2014
Cette publicité doit respecter les "fondamentaux" : qualité de l'avocat, indentification..."
La mise en œuvre ne me semble pas contrevenir aux principes essentiels de la profession.
Ces principes sont :
"... dignité, conscience, indépendance, probité, humanité, dans les respect des termes de son serment.
Il respecte en outre dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.
Il doit faire preuve à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence."
Il ne semble donc pas qu'un panneau publicitaire soit en contravention avec les principes essentiels de la profession.
2- Publicité dans un journal
S'agissant d'une publicité au même titre qu'une affiche, elle doit respecter les mêmes engagements.
3- Sponsoring, mécénat etc. :
Il s'agit d'une forme de publicité personnelle qui doit respecter les principes de l'alinéa 2 de l'article 10.2 du RIN
En revanche tout sponsoring n'est pas envisageable s'il ne respecte pas la dignité de la profession" (marque indécente)
4- Participation à un salon ou manifestation (stand)
Il s'agit d'une forme de publicité personnelle qui doit respecter les principes de l'alinéa 2 de l'article 10.2 du RIN .
Mais quid : salon du vin, salon du mariage, de l'érotisme (interdit bien sur!)
5- Film cinématographique, émission radiophonique ou télévisée :
Depuis la décision du Conseil d'Etat du 13 décembre 2013 et le décret du 28 octobre 2014, rien n'interdit ce mode de communication.
Ainsi donc, une publicité sur une chaine nationale ou locale, doit être autorisée sous réserve de respecter une information sincère, véritable, ne pas être trompeuse dénigrante, etc....
6- Tracts distribués dans les boites aux lettres :
Il ne s'agit pas d'une sollicitation personnalisée, à destination des personnes DETERMINEES, elle devrait donc être interdite. Il s'agit plus du démarchage.
Le tract doit-il être considéré comme un support publicitaire comme un autre?.
Si oui, il n'a pas à être destinée à une personne déterminée et doit alors comporter seulement les "renseignements" essentiels de la publicité personnelle.
S'il est remis en main propre par un avocat ou un tiers il s'agit d'un démarchage physique
En revanche quid d'une distribution en boite au lettre, Il s'apparenterai à un "mailing" qui est autorisé? Ou a un démarchage?
7- Mailing
Un "mailing" est autorisé en tant que sollicitation personnalisé puisqu'il est destinée à des personnes déterminée et ne rentre pas dans les cas de communications interdits
Il doit cependant respecter les règles essentielles liées à la sollicitation personnalisée dont notamment une information sur les honoraires.
8- Lettre adressée à une personne dont on connait le nom
C'est la sollicitation personnalisée type et à mon sens la dérive du système :
Rien ne devrait interdire à un avocat d'envoyer une lettre mentionnant les "éléments fondamentaux" et les tarifs à des associations, assurances ou des victimes d'accident de la circulation ou encore des institutions en proposant ces services.
Quid alors de l'image de la profession et de l'impact sur le public et sur la relation entre avocats.
Quel client d'un avocat recevra en premier la lettre de "sollicitation personnalisée" d'un confrère plus "communicant"?
CONCLUSION
La publicité est très largement ouverte aux avocats.
La sollicitation personnalisée est plus encadrée mais, par sa mise en œuvre, risque d'être à l'origine de dissensions entre les ordres et les avocats.
Le bâtonnier n'a qu'un contrôle de principe a priori, même si les avocats doivent communiquer leurs publicités "sans délai".
Il convient aussi de préciser que la multitude de supports publicitaires et le nombre d'avocats va rendre leur tâche extrêmement difficile et des Commissions spécialisées seront peut-être alors créées.
Il n'en demeure pas moins que la Jurisprudence, dans les mois ou années à venir, ajustera les quelques zones d'ombre encore persistantes.
Cet article n'engage que son auteur.
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