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Radars: sur l'obligation de dénonciation des salariés prévue par le nouvel article 121-6 du Code de la route
Auteur : DELRAN Camille
Publié le :
20/02/2017
20
février
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02
2017
En cas d'infraction commise avec un véhicule de société notamment constatée par un radar automatisé, il est très difficile de poursuivre l'auteur faute de connaître son identité, de faire payer l'amende et de retirer les points sur son permis.
Le Législateur a mis en place un dispositif coercitif imposant au représentant légal de cette personne morale titulaire du certificat d'immatriculation de payer au lieu et place du contrevenant.
C'est donc clairement le chef d'entreprise, es qualité, qui est visé.
Ce système montre ses limites au regard du permis à points, puisque faute de connaitre l'identité du conducteur, ce dernier ne se voit retirer aucun point.
L'objectif de la réforme est de "contraindre à la dénonciation" le représentant légal de cette personne morale titulaire du certificat d'immatriculation qui recevrait une contravention commise avec un véhicule de la société.
Cette mesure est applicable, à partir du 1er Janvier 2017 pour toutes les infractions commises à compter de cette date.
Mais le nouveau dispositif est il vraiment adapté ?
I - Avant le chef d'entreprise pouvait :
1 - Soit dénoncer le conducteur, et ne pas payer les amendes
2 - Soit se taire et payer (au risque de se voir retirer les points personnellement puisque le paiement vaut reconnaissance de l'infraction)
3 - Soit présenter une requête en exonération, et c'est l'exception du dispositif.
Ce chef d'entreprise sera condamné à moins qu'il n'établisse "l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction".
Faute de pouvoir identifier le véritable conducteur, le dirigeant représentant la société, se trouvait alors souvent convoqué devant le tribunal de police condamné en tant que redevable de l'amende pécuniaire.
Aujourd'hui le constat est Simple : dans 2 cas sur 3, ce sont des centaines de conducteurs dont les points ne sont pas retirés malgré la commission d'infractions pénales.
II - Depuis le 1er janvier comment cela se passe ?
- En droit : Le nouvel article L 121-6 du code de la route dispose :
"Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 [Ndr: appareils de contrôle automatique et probablement extension par décret] a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
l"[1]
- En pratique : Lorsqu'un conducteur commet une infraction avec le véhicule d'une société :
La société détentrice du Certificat d'immatriculation recevra un avis de contravention
Dans les 45 jours de la réception de l'avis, le représentant légal de la personne morale devra désigner le conducteur :
- 1ère option - il le désigne :
Soit sur le site internet de l'Agence Nationale pour le Traitement Automatisé des Infractions (www.antai.fr) soit par courrier recommandé avec accusé de réception.
Un nouvel avis de contravention sera envoyé à la personne désignée. La personne morale n'est donc plus concernée.
Seul le contrevenant sera redevable de l'amende pour l'infraction commise et son permis fera l'objet du retrait des points corrélatifs.
- 2ème option - Soit il ne le désigne pas :
Passé le délai de 45 jours, un avis de contravention sera adressé à la personne morale pour non-désignation.
La personne morale se rend alors "coupable" d'une infraction de 4ème classe pour de non dénonciation.
Selon L'ANTAI, sur cet avis figurera le montant de l'amende forfaitaire associé à cette infraction (675 €) ainsi que ceux de l'amende minorée (450 €) et de l'amende forfaitaire majorée (1875 €). Elle peut atteindre 3750 € maximum en cas de comparution devant le tribunal de police pour cette infraction.
Cette amende s'ajoutera-t-elle à l'amende prévue à L-121-3 du Code de la route concernant la recevabilité de 'l'amende pécuniaire?
Probablement, puisque le 1er avis reçu par la personne morale visant l'infraction au code de la route reste d'actualité et que l'article L-121-3 du code de la route n'a pas été abrogé.
- Le dirigeant peut-il être poursuivi personnellement?
Selon l'ANTAI : OUI
L'ambigüité vient du texte L121-6 précité :
Il évoque le représentant légal de la personne morale ou "le titulaire du certificat d'immatriculation" qui est la personne morale elle même.
Mais le texte ne désigne pas le "coupable expressément dans le dernier alinéa. "...Le fait de contrevenir au présent article est puni ..."
Qui contrevient, la personne morale ou son représentant ou les 2?
Ainsi, on peut penser que le dirigeant et la personne morale pourraient faire l'objet de 2 poursuites distinctes.
Si la personne morale encourt une amende de 4ème classe multipliée par 5 (article L 530-3 du code pénal), le dirigeant pourrait aussi personnellement écopée de l'amende de 4eme classe en cas de comparution devant le tribunal de police.
L'amende atteindrait alors 750 euros Maximum
Il ne s'agit que d'une amende de 4ème classe qui n'est pas inscrite sur le casier judiciaire, néanmoins, les "patrons" doivent s'attendre à de nouvelles convocations devant le tribunal de police et à s'expliquer sur la volonté de ne pas dénoncer le contrevenant.
Ainsi le maximum serait théoriquement de 3750 + 750 : 4.500 euros
- Quels sont les possibilités d'exonération?
Pour s'exonérer de toutes condamnation le chef d'entreprise visé aura fort à faire :
Les 2 articles précités se cumulent.
Le chef d'entreprise devrait :
a). Dans un premier temps, démontrer ne pas être redevable de l'amende pécuniaire au visa de l'article 121-3 du code de la route. Application actuelle de l'ancien texte non abrogé
Pour ce faire, il peut établir "l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure" ou apporter "tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction"
b). Ensuite, il devrait établir, pour ne pas dénoncer le conducteur auteur de l'infraction, (s'il n'y a, ni vol, ni usurpation de plaque d'immatriculation qui l'aurait déjà exonéré de la première infraction) qu'il n'est pas en mesure pour un cas de force majeure, de donner l'identité du conducteur !
La force majeure est définie par l'article 122-2 du Code pénal :
Le chef d'entreprise devra faire preuve d'une grande imagination pour justifier d'un cas de force majeure exonératoire.
S'il échoue dans cette 2ème démonstration, gageons qu'il sera condamné pour le tout même s'il démontre ne pas être personnellement l'auteur de l'infraction.
- Analyse Juridico-Sociale
Ces dispositions vont probablement instaurer un climat délétère en entreprise et au sein des institutions :
-Les Ultra-sécuritaires crieront au scandale lorsque le dirigeant ne dénoncera pas.
-Les partisans des libertés fondamentales et opposés à toutes formes de dénonciations s'opposeront au juge en acceptant l'augure d'une éventuelle condamnation pénale propre.
En réalité le nouveau procédé n'autorise pas plus le retrait de points que l'ancien !
Certes, En l'absence de dénonciation, le coût pour l'entreprise sera potentiellement important, mais le cout global sera-t-il suffisant pour inciter les dirigeants à dénoncer leurs salariés ?
L'avenir semble plus sombre encore pour les chefs d'entreprise car l'inquiétude est une pénalisation encore plus ferme des infractions au code de la route.
La liste des infractions donnant lieu à retrait de point pourrait être étendue à la nouvelle infraction créée par l'article 121-6 du code de la route, sans passer par une nouvelle loi.
Il suffit d'un décret en conseil d'état.
Le dispositif serait alors extrêmement sévère pour les chefs d'entreprise mais imparable pour la sécurité routière.
Le titulaire, même non personnellement responsable, se verrait infliger une sanction pénale lourde mais incitative à la délation.
Faut il en arriver à cette situation extrême ?
SI toutes solutions accroissant la sécurité routière semblent louables, ne serait-il pas plus efficace de redonner la priorité aux forces de l'ordre sur le terrain, plutôt qu'à des automates ?
[1] Le montant des amendes de 4ème classe est de :
- 90€ minorée, en cas de paiement dans les 15 jours,
- 135 € forfaitaire si payée entre 15 et 45 jours (60j par internet),
- 375€ majorée, si payée au delà.
- 750 euros maximum en cas de comparution devant le tribunal de police
- Le Montant est quintuplé pour la personne morale
Cet article n'engage que son auteur.
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